Un des éléments essentiels de cet univers est la puissance du récit. Peu en ont conscience c'est pourtant une règle essentielle qui englobe toutes les autres. C'est à la fois une source de puissance et de libération exceptionnelle, voyons les bases de cette théorie du récit.
Les axiomes:
A1. Toute action d'un dirigeant est en réalité une expression de son récit.
A2. L'univers entier est contenu dans un récit, formé de l'ensemble des récits individuels qui se fondent en un tout d'une qualité nouvelle.
Ces axiomes peuvent sembler curieux, voire en contradiction avec le « bon sens ». Examinons les de plus près...
A1. Toute action d'un dirigeant est expression. Même si un dirigeant ne s'exprime pas en utilisant une des langues galactiques connues il peut exprimer son récit par la manière de gérer ses planètes, par ses attaques (ou son absence), par sa manière d'envoyer ou de répondre aux messages. Bref toute action est motivée par un « récit », c'est le sens du premier axiome.
Ces récits peuvent être exprimer sous la forme de « profil », par exemple:
Le diplomate, le conquérant, le dirigeant avide de reconnaissance, le malheureux. Ces profils demandent à être étudiés, c'est une des directions d'approndissement des recherches, car ce sont évidemment des types simples, les profils évoluent avec le temps et peuvent se complexifier.
On voit tout de suite que maîtriser l'art du récit peut ouvrir bien des portes:
dans la diplomatie, savoir à qui parler et de quoi
dans le domaine politique, il s'agit de savoir susciter l'adhésion, de créer de nouveaux enjeux.
de manière générale, l'art du récit c'est pouvoir maîtriser cette partie de l'univers qui est à notre portée.
Cette art du récit n'est encore qu'une ébauche, mais je suis persuadé que c'est une direction de recherche très féconde, même si elle exige non seulement un approfondissement et des efforts pour être maîtrisée.
Pour illustrer ce que l'on peut attendre de la théorie du récit, je vais m'appuyer sur des exemples précis, pour commencer par celui des Abominations, qui est l'exemple qui m'a obligé à réfléchir à cet aspect des choses.
Le récit des Abominations est l'archétype du récit du prédateur. « nous sommes des cannibales expansionnistes avec qui aucune discussion n'est possible ». Ils maîtrisent à merveille les outils d'expression de ce récit:
attaques dévastatrices (les « moissons »)
gestion « agressive » de leurs planètes (fortes variations du bonheur et de la population)
expression « minimaliste » mais percutante qui s'articule autour de trois thèmes: la menace (silence, utilisation des points de suspension), l'agression (les « moissons » sont annoncées, le dialogue est refusé), la singularité (nous ne sommes alliés à personne, personne ne peut se réclamer de nous, voir le sort réservé à Leto).
Ce récit des Abominations est un véritable succés, regardez le nombre et la taille des sujets qui parlent des Abominations, la peur qu'elles ont inspiré.
Face à cette montée en puissance des Abominations une de mes lignes d'action (même si elle ne m'est pas apparue clairement dès le départ) a été de constituer un contre-récit, voire un anti-récit. Un anti-récit n'est pas forcément répondre du tac au tac, car ce serait au contraire accepter des règles du jeu fixées par d'autres (les Abominations en l'occurence) mais de s'attaquer aux fondements du récit visé.
On l'a vu un des élements structurant du récit des Abomiantions est d'inspirer la peur, de faire planer la menace. Le contre-récit mis en place était celui de la Sécurité et de la Stabilité. Autrement dit les Abominations ont fait l'objet non plus d'une réaction en « urgence » (ce qui renforcait leur propre récit) maisont été cernées par une politique de long terme (l'endiguement) et le soutien du sénat. D'ailleurs plusieurs aides versées avaient plus une vocation rhétorique qu'elles ne représentaient réellement une nécessité absolue en termes militaires. Mais lutter contre les Abominations n'a jamais signifié pour moi les anéantir, mais écarter leur menace, cela exigait non seulement une action militaire, mais aussi une action sur le plan du récit. Ici le Sénat à servi de catalyseur pour créer une solidarité de fait entre les dirigeants, la solidarité supprimant l'effet de panique, empâchant par là même tout mouvement de panique et d'imitation qui étaient les risques majeurs que nous faisaient courir les Abominations...C'est cette partie de mon action que j'ai eu le plus de mal à expliquer, car je ne disposais pas alors de ce cadre pour l'expliquer convenablement, aussi sans doute par ce que cela ne se laisse pas expliquer facilement.
Si les Abominations avaient continué à présenter un grave danger pour notre civilisation, j'ai d'autres pistes à explorer, en s'intéressant à d'autres piliers du discours, notamment le silence que l'on pourrait briser, car cette voie a été sous-exploitée.
J'espère l'avoir montré, cette direction de recherche est très féconde. Je vais tâcher maintenant de rédiger un petit discours soit sur la campagne qui vient de se dérouler car là aussi, des récits ont été développé qui me semblent intéressants à analyser et à utiliser pour trouver des réponses adaptées, soit sur l'Institut de l'Elévation, où à mon avis le récit joue une part prépondérante.